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Introduction de Daniel Riberzani à l'occasion de son exposition à l'Espace Carpeaux en 2002 où entre autres, les premiers dessins de "Nus dissidents" étaient exposés: "Cette exposition présentée à l'Espace Carpeaux est peut-être la dernière de cette nature... elle oscille entre dessin, peinture, écriture... Le monde, notre culture, se sont transformés. L'art actuel et la notion d'art également. Certains de nos repères ont apparemment disparu...

Je suis perplexe, démuni, furieux contre nos sociétés et certains d'entre nous, qui n'écoutent pas, se cachent les yeux ou ne voient rien. Période charnière de ma vie, je reprends mon souffle pour continuer et terminer mon chemin... tout restant à faire comme toujours, autrement, différemment! "  

Depuis la Renaissance, peintres et sculpteurs ont été fascinés par la représentation du corps. Symboles et allégories ont pris la forme du nu, puis, dans le cadre de la modernité, le nu est devenu un élément majeur de l’expression des diverses  sensualités.

 

Le Nu, devenu à lui seul un genre, quoi de plus académique ?

Le travail de Riberzani offre au Nu (le genre) une signification qui l’inscrit dans le champ des préoccupations contemporaines (qui ne sont pas celles de « l’art contemporain »…).

En effet, la présence de deux individus, chacun pris dans les aléas ordinaires de la vie, peintre et modèle, ne peut s’installer hors du temps. On n’échappe pas à la prégnance des réalités  Le face à face de deux personnes ne peut se réduire à un sujet observateur et à un objet observé.

 

Le peintre, ici le dessinateur, fait en sorte que le modèle s’écarte de son statut « d’objet » en vue de devenir un acteur dynamique participant à la réalisation de l’œuvre à la fois désirée et imprévisible. Un véritable modèle vivant. A cette fin, s’instaure un échange entre deux personnes habitées par  la complexité de leurs réalités psychologiques, sociales, politiques.  De cette conjugaison, collaboration dialectique, peut naître le dessin, un Nu, qui, s’il est un corps marqué des stigmates de la vie, est aussi riche d’indices des épreuves de la vie actuelle, inscrits dans la gestuelle, la pose, le cadrage, le trait, etc. Par ce monde de création, Riberzani invente un Nu inédit porteur de questionnements qui débordent l’intimité du corps pour faire émerger l’empreinte  d’une existence liée aux réalités sociales, modelées par elles,  en résonances avec les préoccupations de l’artiste.

 

Par le flottement de la ligne qui fait vibrer une épaule, une cuisse, un pied, en contrepoint d’un trait précis, aigu, qui cerne une hanche, un sein, le dessin établit une image complexe malgré l’immédiateté de la présence de la Figure. Loin de sacrifier à la banalité des plaisirs du voyeur, ces formes plongent dans des réalités qui lient les deux acteurs dans l’instant – des heures – du surgissement de l’oeuvre.

A ces graphies sensibles autant que réfléchies, s’associent des textes (citations souvent) dont le sens prolonge le caractère de la pose désormais figée sur le papier. Double lecture à mettre en œuvre pour accéder à la pertinence de la totalité de ce que ce dessin expose, parfois rehaussé de zones de couleurs simples, rouge, bleu, jaune, réduites à quelques surfaces choisies, dont le rôle n’est pas de bâtir un fond anecdotique, mais d’évoquer un parfum de sensualité pénétré d’une gravité évocatrice du poids des banalités ordinaires faites de dignité,d'austérité, d'inquiétudes, de douleurs secrètes.. 

 

Ce que ces dessins offrent au regard peut être compris comme une mise en image de corps vivants dépouillés des oripeaux académiques, esthétiques, idéologiques qui, jusqu’à ce jour, ont « habillé » le Nu pour masquer ce qu'il .. dévoile de la réalité. 

A cet égard, pour Daniel Riberzani, le Nu doit endosser un rôle actif ancré dans les tourments d’un quotidien délaissé, afin de devenir porteur d’un discours qui véritablement prend corps dans-par le dialogue muet entre les deux acteurs dans le silence de l’atelier dont, paradoxalement, l’isolement devient propice à l’émergence de ce qui dans le corps de chacun, peintre, modèle, spectateur, peut produire de discours social   …et politique.                 

                                                                                                                                        M.Dupré - 02/11

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