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"Qui a créé ce ciel, cet air, ces flots? qui t'a donné la vie, et ce monde? Qui t'a fait libre, et t'a ouvert l'histoire?" Dieu gronde, je transcris librement. La voix est forte, et nous renvoie au premier Livre.

 

Dieu ordonnant le tohu-bohu, le premier couple banni du jardin d'Eden, dur labeur et désir de savoir. C'est une bien belle fresque qui nous fait toucher le ciel étoilé. Cette nacelle, fragile et blindée, qui dévore l'espace, indéfiniment, au-delà de notre univers...(comme n'importe quel enfant, Riberzani rêve devant l'infinité de l'espace et du temps).

 

Libido sciendi, libido dominandi : elle est plutôt juste, cette vieille rengaine des théologiens. Agir, produire, dominer, maîtriser, conquérir : l'homme occidental est sérieux, travailleur, productif, mais - C'est heureux! - ludique. Cette terre, au fond, si je la faisais éclater? ça serait comme un "Challenger" universel. Libido sentiendi: heureux, (Ce serait par exemple, Riberzani...) je regarde la colline, le pâturage, le coteau, le champ de blé, la forêt: sinistres Bucoliques, terrifiante Arcadie où l'éclair, qui en un instant tout dévaste surgit du ciel sublime. Les couleurs déferlent, appelant l'innommable: ni l'ange de la mort, ni le démon de l'atome ne se peuvent regarder en face. Homme, qu'as tu fait de ton savoir? Tu m'as chipé la beauté du monde. (Riberzani, ou l'épouvante devant l'Apocalypse; je partage, assez souvent). Raison technique, es tu bien raisonnable ? Toi qui, du dehors et du dedans, - Implosion, explosion, mais toujours catastrophe, pluie de feu, enroulement de typhons d'un gris aussi sublime- me rappelle, au moindre pas dans la nature, dans la campagne, dans le paysage, que j' habite Sodome ou Gomorrhe - au choix -Mais Dieu n'y est plus depuis longtemps - longtemps pour nous - le physicien a pris sa place. L'Evénement toujours possible travaille le paysage et ricane de mon angoisse.

 

Levons la tête - ce n'est pas la première fois - , et gardons la nuque raide: lent, silencieux, inexorable, un autre monde vient à la rencontre du mien. ( Riberzani a peur, moi aussi; on n'aurait pas dû lire Hubert Reeves). Notre monde existe: les scientifiques l'appellent "Nature", et depuis peu, "Univers" : C'est sûr, s'il y en a un, il y en a d'autres. Questions à ce point infantiles qu'elles sont imparables: Pourquoi? parce que. "Maman, j'ai peur". La maman sourit et cache sa peur.

 

Il est mort, le Dieu de la Bible, de l'Ancien et du Nouveau testament. Finis le péché et la culpabilité, et bonjour l'angoisee laïque: cette nudité des univers est insupportable (ou, si vous voulez, insupportable nudité de l'univers...) Noé ronfle, rond comme un petit pois et nu comme un ver. 

Texte de Michèle Douérin, Catalogue d'exposition Galerie de Francony. Paris, 1988

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