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Pour réaliser ma 1ère tapisserie, je me suis servi de 2 toiles de la série des "Natures-Mortes 1979/81"

La 1ère: "Les carnassiers" (avec les poissons) la 2ème: "Choux rouge de plaisir" (avec le choux).

La maquette, le carton et pour finir le tissage, ont été réalisés grâce une bourse d'État et le soutien du Ministère de la Culture, obtenus par l'artiste en 1981, afin de relancer la tapisserie à Aubusson.

Pourquoi le choix de ces 2 oeuvres peintes pour la réalisation de cette tapisserie?: N'éprouvant pas le désir de créer une maquette spécifique à la tapisserie, il m'a semblé plus intéressant d'utiliser pour la thématique de celle-ci, des oeuvres que je venais de terminer, et de les adapter en fonction du tissage. L'enjeu étant de surmonter la difficulté à adapter ces peintures très réalistes à une contrainte liée au tissage.

D.R

Catalogue "Histoire d'une Tapisserie..."14 Octobre - 2 Décembre 1984 : Musée Départemental de la Tapisserie à Abusson. 20 Décembre 1984 - 30 Janvier 1985 : Arras. Musée des Beaux-Arts, ancienne Abbaye Saint-Vaast.

En 1982, "La rencontre du cannibale et des carnassiers" est la première tapisserie tissée de Daniel Riberzani, elle a bénéficié d'une bourse de la Délégation aux Arts Plastiques pour la relance de la tapisserie à Aubusson.

Comment réalise-t-on une tapisserie? Par cette question s'exprime souvent le désir de mieux connaître un art à la fois familier et mystérieux pour le profane.

L'exposition de Daniel Riberzani fournit les éléments de réponse d'un créateur qui s'est initié sur place, à Aubusson, à son langage technique et plastique.

Il a choisi de s'exprimer par le "carton numéroté", méthode rendue classique par Luçat, et la majesté un peu hermétique de ce travail préparatoire, seulement relevé de quelques touches de couleurs légères, surprend et séduit. Ce carton à grandeur d'exécution placé sous la chaîne, guide le lissier; il y repère le tracé du dessin et la répartition des couleurs, puisque chacun des numéros correspond à une teinte mise au point par le teinturier en un "chapelet de couleurs" constitué sur les indications de l'artiste en fonction de la maquette proposée. Cette phase préparatoire est exigeante et parfois austère, mais le lourd travail d'établissement du carton, transformation de la maquette en un langage codé à l'échelle définitive, peut être effectué à plusieurs mains.

 

Ainsi se trouve écarté de façon péremptoire, le danger de sujétion de la tapisserie à la peinture et leurs rapports se situent de façon plus subtile au sein du langage universel de la forme et de la couleur, et dans l'esprit et l'imagination de l'artiste chez lesquels elles cohabitent.

 

La spécifité de la laine et la limitation effective des couleurs invitent à resserrer l'expression: sur seize mètres carrés, trente sept nuances ont été utilisées, avec un sentiment de la couleur très particulier où dominent violet, rouge et bleu. Ceci, allié à la grandeur surréelle du choux et des poissons, confère à la tapisserie un puissant impact; toutefois le premier choc passé, nous sommes au coeur d'un univers symbolique très dense, dans cette tenture, fruit de six mois de travail en accord avec l'artiste, de trois lissiers expérimentés.

 

"Les Natures Mortes", série d'huiles sur toile un peu antérieures, rendent perceptibles le même climat tendu et d'une férocité contenue. Elles sont un point de référence, mais le lissier fait parler la laine à haute voix et "La rencontre du cannibale et des carnassiers" est aussi celle d'un monde intime avec une forme d'art qui fait prédominer des valeurs collectives, dans sa réalisation, mais aussi à cause de la destination murale qu'elle porte en elle.

 

C'est peut-être dans ce paradoxe apparent que cette grande tapisserie trouve sa puissance expressive et montre par là-même, qu'en ce domaine de nouvelles voies peuvent être explorées. 

Texte de Martine Mathias, Conservatrice du Musée Départemental

de la Tapisserie à Aubusson en 1984.

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